Plus de 200 ans d’évolution de notre vélo...

On a l’impression que le vélo existe depuis toujours, et pourtant son invention ne date que des années mille-huit cent.

Comme toute innovation, elle est en réalité la somme d’une multitudes d’innovations qui, assemblées, font un tout cohérent.

Voici l’histoire de la « petite reine » qui commence de manière surprenante par la réponse à un terrible refroidissement climatique (bien naturel celui-ci).

vélocipède

DU VOLCAN INDONÉSIEN À LA DRAISIENNE (Pas l’Arlésienne)

 

Tout commence en avril 1815 bien loin de l’Europe, en Indonésie. Le Mont Tambora dans la bien nommée « ceinture de feu » se réveille et gronde.

Depuis des années déjà la montagne de l’île de Sumbawa rejette quelques vapeurs et fumées, parfois même un peu de cendre dans la mer et la jungle environnante, parfois même la terre tremble un peu, mais rien de très inquiétant.

Le soir du 5 avril, de premières explosions retentissent. La population locale a alors cru à des coups de canon.

Le lendemain, la couche de cendres qui s’est délicatement déposée ôta tout doute quant à la cause de ces premières explosions.

Pendant cinq jours, il ne se passa rien de plus. Le calme avant la tempête.

La chambre magmatique du Tambora s’est longtemps remplie en silence. Le dragon prend son souffle.

Le 10 avril 1815, selon un chef de village situé à 35km du volcan : « vers sept heures du soir, trois colonnes de flammes éclatèrent près du sommet de la montagne Tambora »

crédits : Sinung Baskoro Anggota IAGI dan Pengurus MAGI

 

 

L’éruption est intense, la colonne éruptive s’élève à près de 43 km de haut !

Après environ une heure d’activité, ce panache volcanique s’effondre, provoquant des coulées gigantesques dites pyroclastiques ou nuées ardentes.

Crédit : ARTE (« Tambora, l’éruption qui a changé le monde »)

 

C’est une avalanche de rochers, de cendres et de gaz toxiques à une température de 500°C qui dévalent les pentes du volcan et détruisent tout sur leur passage.

La montagne qui culminait à plus de 4000m vidée d’une partie de sa substance magmatique, s’affaisse et perd près de 1500m de hauteur.

Colonnes de flammes, jets de pierre, cendres, vents violents : l’éruption fut l’une des pires de toute l’histoire de l’humanité, bien plus dévastatrice que celle de Pompéi ou du Krakatoa et assurément la plus meurtrière.

Des dizaines de millions de tonnes d’aérosols composés de soufre, de chlore et de fluor furent envoyés dans l’atmosphère.

Ils atteignirent la stratosphère et le courant aérien « jet stream » emporta ce voile de poussière, affectant pendant plusieurs années le climat de tout l’hémisphère nord.

Crédits : ARTE (« Tambora, l’éruption qui a changé le monde »)

 

Quelques semaines à peine après l’éruption, nous sommes le 18 juin 1815, des pluies torrentielles proches de la mousson s’abattent en Europe et stoppèrent net les forces françaises pendant trois heures cruciales, mouillant leur poudre, ce qui permit aux Prussiens d’arriver et de jouer leur rôle crucial dans la défaite française à Waterloo.

Chaque crise est source de questionnement, de réflexion.

L’année 1816 fut une « une année sans été », ou encore « l’année du mendiant ».

Tandis que Lord Byron décrivait : « le soleil étincelant s’éteignait… l’aube venait et s’en allait – et venait, et n’apportait aucun jour », ces heures sombres inspireront à Mary Wollestonecraft (future Shelley), recluse elle aussi au bord du lac Léman, son oeuvre majeure « Frankenstein ».

Les récoltes en Europe furent maigres, le blé et l’avoine se mirent à manquer, le prix du pain explose, la famine s’installe… nombre de chevaux meurent alors même qu’il n’existe aucun autre moyen de transport.

Le baron allemand Karl Drais, domicilié à Mannheim est exploitant forestier.

Il planche sur le problème suivant « Quelle alternative au cheval ? »

Après moultes tentatives à 2, 3 ou 4 roues, nait la draisienne (en allemand la « Laufmaschine » littéralement « machine à courir »).

Crédits : Cnum - Conservatoire numérique des Arts et Métiers - http://cnum.cnam.fr

 

L’engin permettait de faire le trajet de Mannheim à Schwetzingen à une vitesse de 13 kilomètres à l’heure. Sachant que la diligence de cette époque allait à 6 kilomètres à l’heure (on était bien loin du débat sur le 110km/h).

La draisienne avait deux roues, mais avec une propulsion plus proche de la trottinette actuelle puisqu’il s’agissait de pousser avec ses pieds sur le sol pour la faire avancer (on retrouve cela sur les premiers vélos pour enfants d’aujourd’hui sans pédales, ce qui leur permet déjà de trouver l’équilibre).

Il présente son invention au grand-duc de Bade : Karl von Baden qui, fort impressionné, lui alloue le titre de Professor der Mechanik pour continuer à inventer. Le baron allemand déposa en 1918 un brevet en France sous le nom de vélocipède du latin velox (rapide) et pes, pedis (pied).

La première démonstration publique eut lieu à Paris lors de l’exposition universelle le 6 avril 1818. Elle provoque une certaine curiosité empreinte de moquerie, relatée par certains écrits de l’époque :

«  un lourd Allemand, nommé le baron Drais a cru faire une invention à laquelle il a donné le nom de draisienne dérivé du sien, et pour faire voir qu’il était fort en étymologie, il lui a accordé l’épithète de vélocipède »

À partir des années 1830, la draisienne tombe peu à peu en désuétude.

 

LE COUP DES PÉDALES OUVRE LA VOIE AUX PREMIERES COURSES DE VÉLOCIPÈDES

Le renouveau viendra avec l’ajout des pédales, par un français dans les années 1860. Mais là il y a débat sur son nom.

Pour certains, l’artisan serrurier (spécialiste du métal, pas des serrures) Ernest Michaux en est le précurseur avec la Michaudine.

Trouvant particulièrement fatiguant pour les jambes l’usage d’une draisienne, Ernest Michaux aurait eu l’idée d’adapter un cale-pieds sur la roue avant. Son père (également artisan serrurier) lui aurait suggéré d’adapter plutôt une manivelle pour faire tourner la roue.

D’autres évoquent Pierre Lallement (on ne sait pas s’il y a un lien avec le récent préfet de police de Paris) comme étant le premier ayant eu l’idée d’ajouter des pédales à la Draisienne, ajoutant que celui-ci était l’ouvrier de Michaux.

Lallement a en tout état de cause breveté aux États-Unis le premier « bicycle » (sans lui, pas de « Bicycle, bicycle, bicycle... I want to ride my bicycle, bicycle, bicycle … »

La Compagnie parisienne des vélocipèdes fondée par Michaux lança alors la première course cycliste dans le parc de Saint-Cloud le 31 mai 1868.

Puis, le 7 novembre 1869, cent vingt coureurs prennent le départ de la course Paris-Rouen encrant peut-être l’engouement des français mais aussi de l’Europe puis du monde entier pour les courses de vélo en France.

James Moore emporte le Paris-Rouen, à droite sur l’image. Jean-Eugène-André Castera termine deuxième à quinze minutes.

Elisabeth Turner (née Sarti)  une femme inscrite sous le nom de « Miss America », se classera 29ème de cette première course cycliste longue distance.

Mais le pédalage n’était pas encore très agréable, car les pédales étaient fixées au moyeu de la roue avant.

La roue arrière ne faisait que suivre le mouvement.

Ainsi le « meilleur moyen » d’optimiser la distance parcourue à chaque coup de pédale semblait d’agrandir la roue motrice, au risque de chuter en chevauchant l’engin. C’est ainsi qu’est né le grand Bi en 1871, invention semble-t-il des anglais James Starley et Corley Turner à Coventry près de Birmingham (ils furent les créateurs de la marque Turner toujours active aujourd’hui)

Crédits : Agnieszka Kwiecień, license: CC-BY 3.0" , via Wikimedia Commons

 

On assiste alors à une véritable escalade au propre comme au figuré car bientôt les grands Bi atteignent des dimensions au-delà du raisonnable. Il fallait alors une bonne dose de courage (ou de folie ?) pour s’aventurer sur un engin dont la roue avant pouvait mesurer jusqu’à 3m de diamètre. Très peu stable, il avait une fâcheuse tendance à projeter le « grandBiste » à terre après un magnifique soleil (remarquez, on y parvient aussi avec des roues de taille « raisonnable » j’en sais quelque chose :)

 

ON ENCHAÎNE (CYCLE INFERNAL)

Des réflexions s’enchaînent quant au moyen d’offrir une position de conduite acceptable et une traction suffisante en déportant le mouvement de pédalier tout en offrant une position plus ergonomique…

Crédit photo : Ingenium, 1988.0216

On voit par contre la tendance à conserver une roue de traction particulièrement surdimensionnée.

La selle devient suffisamment basse pour que le cycliste puisse toucher le sol. Le guidon dirigeait directement la roue avant. Il y avait même un levier sur le guidon sur lequel on appuyait pour appliquer le frein cuillère à la roue arrière.

En 1879, Henry John Lawson intègre la transmission par chaine entre le pédalier et la roue arrière.

Un brevet pour un « vélocipède à roue arrière motrice et à transmission par chaîne » est déposé.

Un ré-équilibrage s’opère entre roue avant et roue arrière, sans doute dans la recherche d’un meilleur confort d’usage.

De manière étonnante, on retrouve sur les dessins de Léonard de Vinci des ébauches de la chaîne à pignon qu’on connaît aujourd’hui encore.

En 1879, l’apocope « vélo » fait son apparition et va faire disparaître le « cipède » en quelques décennies :))

L’Union vélocipédique de France est créée en 1881, qui deviendra des années plus tard, la fédération française de cyclisme.

On le voit, le vélo a très vite connu un certain succès (dans les petits cercles des familles riches) comme un sport et on le verra les français ont beaucoup participé à cela.

John Kemp Starley le neveu de l’inventeur du Grand Bi, mis au point en 1884 la Rover Safety Bicycle, ou bicyclette de sécurité, à la recherche d’un vélocipède que tous puissent utiliser (même les femmes évoque-t-il, c’est dire l’ouverture d’esprit ;) !)

Crédit : Karen Roe from Bury St Edmunds, Suffolk, UK, United Kingdom, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons

 

 

RÉ-INVENTER LA ROUE, IL FALLAIT OSER… C’ÉTAIT GONFLÉ

On le voit, le vélo a déjà beaucoup évolué. Et pourtant les roues restaient très inconfortables (en bois cerclées de fer) et très bruyantes.

Le vétérinaire écossais John Dunlop entendit son fils se plaindre du confort de son tricycle. Nul doute que le vacarme causé par les roues pleines en bois devaient aussi l’empêcher de travailler en toute sérénité.

Il se pencha alors sur la question et roula des feuilles de caoutchouc autour d’un axe. Il forma ainsi un cylindre élastique qu’il put remplir d’air. Le système fonctionna bien pour l’insonorisation mais a également rendu les roues plus confortables, plus adhérentes et plus rapides.

Le 7 décembre 1888, Dunlop dépose le brevet du pneumatique à valve.

Fini véto, voici venu sa manufacture pour vélos.

Les vélos roulent ainsi sur des boudins de caoutchouc gonflés d'air mais qui restent fixés à la jante.

En 1891, un cycliste anglais est de passage dans la ville de Clermont-Ferrand et subit une crevaison de son pneu Dunlop.

Il cherche alors de l’aide auprès d’une entreprise locale connue pour son savoir-faire en caoutchouc (fabrication de balles de jeu et bilboquets notamment…) : l’entreprise Michelin.

Le pneu Dunlop est donc entoilé et collé directement sur la jante.

Le changer nécessite au bas mot trois heures de pose et une nuit de séchage… Dans une course cycliste, crever peut donc être fatal :)

Edouard et André, ne se contentent pas de réparer le pneu de l’anglais, ils inventent un nouveau système avec une chambre à air (un brevet est déposé la même année) et lancent « un pneu démontable et réparable en un quart d'heure » !

Toujours en 1891, le Petit Journal de Paris dirigé par Hippolyte Marinoni organise le premier Paris-Brest-Paris.

Le vainqueur de l’épreuve (ci-dessus) Charles Terront accomplit ainsi les 1 200 km du parcours en 71h22.

Il avait été embauché par les Michelin pour promouvoir leur pneumatique démontable fraichement breveté et devint l’une des premières figures du cyclisme français !

À l’époque, un quadricycle Peugeot Type 3 participe aussi à l'épreuve.

Pour la petite histoire lors du lancement de cette course, la participation était interdite aux étrangers et aux femmes…

Suivra le Bordeaux-Paris la même année et bien sûr le Tour de France, créé quelques années plus tard en 1903.

 

La fabrique de Saint-Etienne des frères Gauthier (au-dessus) et au-dessous

Peugeot (fabricant le grand Bi à partir de 1882) fabriquera lui aussi de premières bicyclettes à partir de 1886 à Beaulieu dans le Doubt. Peugeot a continué la fabrication de cycles jusqu’à la fin des années 2000.

L’expression « petite reine » aurait été attribuée avec une certaine affection par la presse française à la reine néerlandaise Wilhelmine d’Orange-Nassau lors d’une visite officielle en 1896. Très amatrice du vélo « moderne », cette expression aurait été transférée par métonymie à la bicyclette.

Peut-être Wilhelmine est-elle à l’origine du goût prononcé des hollandais pour le vélo?

 

EN ROUE LIBRE

Un américain William Van Anden a très tôt eu l’idée de dissocier le mouvement des pédales de celui de la roue.

Ainsi la roue pouvait tourner sans que les pédales ne tournent.

Il relate fièrement cela dans son dépôt de brevet en 1869

« j’ai inventé une amélioration nouvelle et utile des vélocipèdes (…)

Cette invention concerne certains perfectionnements apportés aux vélocipèdes ; elle consiste, en gros, dans l'emploi d'un dispositif à cliquet ou son équivalent, en liaison avec une roue motrice, actionnée par les pieds, disposition au moyen de laquelle le vélocipède peut être autorisé à se déplacer, sous l'impulsion d'un mouvement, sans que le « cavalier » soit obligé de bouger les pieds »

Mais il a eu raison trop tôt… les cyclistes, puristes, y ont vu d’abord un risque accru de panne, plus que le possible gain en confort et sécurité. Certaines choses prennent du temps.

Il faudra attendre 1898 pour que l’Allemand Ernst Sachs commercialise des bicyclettes avec cette invention bien indispensable aujourd’hui.

Imaginez donc de devoir pédaler au rythme imposé par la vitesse de votre roue, notamment en descente ou que l’arrêt du pédalage ne bloque la roue…

 

TOUT VA À VÉLO (PAS À VOLO) - VÉLO BOULOT DODO

Le vélo a retrouvé ses lettres de noblesse avec le réaménagement urbain.

Largement promue par JCDecaux dont nous avons mis en avant l’ingénieux modèle de vente dans une précédente publication, les vélos ont ré-envahi les villes.

Il reste à trouver la bonne organisation dans les mégalopoles très étendues comme Paris IDF, où le vélo a ses limites si on ne l’associe pas intelligemment à des transports en communs revisités, reformés mais surtout *rénovés* pour associer la banlieue au coeur de ville.

Les ventes de vélos ont assurément de beaux jours devant eux, mais la France ne produit plus aujourd’hui qu’une petite part des vélos achetés chaque année. Sur pas loin de 3 millions de vélos achetés, moins de 700.000 sont fabriqués en France.

Un petit quart.

Les inventeurs et industriels français qui ont oeuvré pour le développement de cette invention apprécieraient le travail de quelques jeunes pouces désireuses de réinventer l’industrie cycliste française.

Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Beaulieu… la France a besoin de faire résonner ses villes de province et de faire revivre ce savoir-faire disparu, emporté par la délocalisation de l’industrie.

Quelques acteurs redonnent ainsi du souffle en s’appuyant sur des partenariats industriels intelligent comme Angell (de Marc Simoncini) avec Seb à Is-sur-Tille (Côte d’Or).

Ultima, jeune startup du VAE haut de gamme, se veut assembleur des meilleurs sous-traitants techniques en France : ainsi Mavic fabricant de roues à à Annecy (Haute-Savoie), Nova Ride (dérailleurs, pédaliers) fabriqués à Clermont-Ferrand, pédales Look à Nevers pour n’en citer que quelques uns.

Rebirth assemble environ 50.000 vélos des marques du groupe (Solex, Matra, Easybike) sur le site de Saint-Lô, ma Normandie.

Ré-industrialiser, c’est un exercice de longue haleine, nécessitant un peu d’opportunisme, beaucoup de volonté aussi, car il n’est pas toujours simple pour une jeune entreprise d’obtenir des conditions attractives (ou même une réponse) lorsqu’elle cherche à travailler avec un industriel français.

Ce qui est extraordinaire quand on se penche sur le passé, c’est de voir que les périodes difficiles ont souvent été des périodes propices à la créativité.

Acculés, les hommes s’acharnent à trouver des solutions et des briques voient le jour un peu partout, car l’intelligence est partout. Puis certains ont le flair d’utiliser une technique, une technologie pour l’adapter à bon escient ou d’en assembler plusieurs.

À chaque problème, sa solution, c’est notre crédo chez RéclameICI et à ceux qui pouvaient en douter, on aime les belles marques qui marquent l’histoire d’hier et d’aujourd’hui.

Sur ReclameICI.fr, on aide juste les marques à corriger un problème et notre site témoigne de la capacité des grandes marques à rester humbles et à l’écoute pour créer… un cycle positif :)

Nicolas Lemonnier - https://www.linkedin.com/in/nicolaslemonnier/

Co-fondateur RéclameICI


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